V for Vendetta
En attendant que je me motive pour vous parler de l’Union Européenne et face à la pression populaire( !), je me permets, une fois n’est pas coutume de vous proposer une critique de cinéma comme support au débat.
J’aimerais donc vous parler du film V pour Vendetta, ou plutôt devrais-je dire, V pour Virtuose. Car on a rarement vu un film allier avec autant de brio, violence et romantisme, anarchisme et humanisme, vengeance et justice...
Si je me permets cette critique cinématographique, c'est bien parce que V pour Vendetta est un cas de force majeure. En effet, cette magistrale adaptation des frères Wachowski n'a pas à rougir de la comparaison avec l' excellente bande dessinée éponyme de Moore & Lloyd. L'histoire nous plonge dans le Londres de Georges Orwell, entre totalitarisme et abus de pouvoir, le successeur autoproclamé de Guy Fawkes se propose de rendre au peuple son libre-arbitre en recourant, toujours avec finesse et poésie, à l'emploi théâtral de la Violence. Ce meurtrier d’un autre temps a pour lui de manier avec une maestria égale, la langue de Shakespeare et le poignard, mais il peut également compter sur le soutien de la magnifique Evey Hammond alias Nathalie Portman qui lui donne la réplique, ou plutôt qui ne la lui donne pas pour mieux nous laisser profiter de ses brillants monologues. Ce film singulier et puissant tranche donc, vous l’aurez compris, avec ce climat ambiant de bienséance et de médiocrité rampantes, qui ne laisse émerger de ses vapeurs abrutissantes que quelques molles vérités générales, énoncées de manière à enfoncer, dans une parodie d’engagement, des portes laissées grandes ouvertes par les V de toutes époques. Mais ne nous y trompons pas, ce film n’est en rien une glorification messianique de « l’Homme Providentiel ». Bien au contraire, Hugo Weaving, l’agent Smith dont l’image se démultiplie à l’infini, incarne en V moins l’homme (toujours anonyme) que l’idée qu’il porte, celle d’une conscience populaire qui doit se faire violence pour prendre conscience d’elle-même. Car comme il le suggère finement, l’anarchie n’est jamais qu’un juste retour à l’équilibre lorsque appliquée de façon proportionnée à contrer l’oppression d’un gouvernement autoritaire et liberticide. Ce concept dérangeant de violence légitime n’est pas sans rappeler le 35ème et dernier article de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793 qui établit que « Lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »
Mais faut-il pour autant voir dans cette oeuvre un appel au djihad ou mieux encore, une dénonciation de l’administration Bush ? En fait, je pense que pour émettre une telle analyse, il faut avoir vu le film dans un état d’ébriété avancé... ou alors ne pas l’avoir vu du tout >_<
Ce qui donne tant de force et d’allant à la lutte de V, c’est bien entendu le dramatique de sa mise en scène. Ainsi, le véritable rôle de ce personnage de théâtre est d’orchestrer un drame dont le premier rôle serait tenu par le peuple, d’abord spectateur puis, peu à peu acteur à mesure qu’il prend conscience que la tragédie qui se joue sous ses yeux est terriblement réelle mais qu’il peut, pour la première fois, en changer le cours. Le personnage de V s’oppose donc d’autant plus au Chancelier Adam Sutler, qu’il agit en catalyseur et non en prophète, le comparer à un leader terroriste n’a dès lors strictement aucun sens. De plus, si V dramatise à ce point son action, c’est bien entendu pour en montrer le caractère désespéré : il s’élève, d’abord seul, contre un État tout puissant et meurtrier en mettant en perspective sa vengeance personnelle avec la nécessaire justice du peuple. La violence est donc légitimée dès lors qu’elle répond, de façon proportionnée et strictement nécessaire, à la malfaisance et à la violence du gouvernement. V franchit ainsi la subtile frontière qui sépare la vengeance de la justice, faisant de lui un résistant et non un terroriste. Quand à y voir la critique d’un gouvernement démocratique comme celui des Etats-Unis d’Amérique, cela n’a strictement aucun sens !
Mais j’aimerais tout de même laisser le fin mot de cette chronique à la rédaction du magazine « Elle », et à sa critique du film, toute en finesse et en intelligence:
Je précise donc que certaines phrases comportant plus de trois mots peuvent heurter la sensibilité des lectrices du magazine « Elle », d’autant plus que l’héroïne n’a même pas suivi les conseils beauté de Jennifer en page 17 puisque son mascara n’est même pas waterproof. Et pour souligner la platitude et la médiocrité des dialogues du film, je me permets d'attirer votre attention sur une tirade particulièrement banale et vide de sens:
"Voilà! In view, a humble vaudevillian veteran, cast vicariously as both victim and villain by the vicissitudes of Fate. This visage, no mere veneer of vanity, is it vestige of the vox populi, now vacant, vanished. However, this valorous visitation of a by-gone vexation, stands vivified, and has vowed to vanquish these venal and virulent vermin van guarding vice and vouchsafing the violently vicious and voracious violation of volition. The only verdict is vengeance; a vendetta, held as a votive, not in vain, for the value and veracity of such shall one day vindicate the vigilant and the virtuous. Verily, this vichyssoise of verbiage veers most verbose so let me simply add that it's my very good honour to meet you and you may call me V."
Vous pouvez également essayer de la lire à voix haute sans vous tromper, ou mieux de la retenir pour la placer astucieusement au cours d'un dîner en ville >_<
Maintenant place au Grand Jeu
Celui ou celle qui saura me définir avec le plus de clarté et d’arguments, la différence entre Vengeance et Justice, se verra attribuer un bô cadeau!