VIème République
En ces périodes de graves troubles sur l’échiquier politique français, en ces périodes où l’ego de nos élus l’emporte sur leurs fonctions premières, où leurs aspirations personnelles prennent le pas sur les intérêts de la France, où les présidentiables se livrent une guerre fratricide au sein même de leur famille politique, où la chiraquie semble définitivement et immanquablement condamnée - entraînant inéluctablement dans sa chute le gaullisme –, la Vème République vit-elle ses derniers soubresauts ? Beaucoup de gens n’ont de cesse de critiquer la Vème et ses institutions, son fonctionnement et finalement le fait qu’elle ait été taillée sur mesure pour et par le Général de Gaulle et non pour un fonctionnement universel et pleinement démocratique. Car le président de la République est plus assimilable à un monarque intouchable qu’à un citoyen élu par ses pairs pour les représenter.
Oui, mais me direz-vous, il est toujours plus facile de critiquer lorsqu’on se trouve pépère dans son fauteuil… C’est pour cela qu’aujourd’hui, tadindin bimboum, je voudrais vous présenter comment fonctionne le pouvoir exécutif en Suisse. Loin d’être inefficace, l’exécutif collégial helvète propose une alternative pertinente à la souveraineté toute puissante du locataire du palais de l’Elysée. Alors franchissons les Alpes pour étudier de plus près ce système unique en son genre.
Tout d’abord, vous devez savoir que les Suisses n’ont pas une seule personne qui règne sur l’exécutif mais 7 braves gars qui prennent l’apéro ensemble une fois par semaine et qui discutent des différentes mesures à prendre autour d’un bon verre de fendant ! Nous appellerons donc ce petit conciliabule par son nom : le Conseil Fédéral. Oui mais voilà, toute l’originalité de la chose réside dans le fait que ces 7 gaillards ne sont pas amis… non non loin de là ! Les Suisses appliquent ce qu’ils appellent la « formule magique » (au risque de décevoir les groopies d’Harry Potter, cela n’a rien de magique…). En fait, la constitution du Conseil fédéral se présente comme étant le reflet de l’équilibre des forces en présence au Parlement. Ce qui fait que le dit conseil est constitué par 2 conseilleurs socialistes, deux conseillers radicaux (notre droite), deux conseillers UDC (notre extrême droite mais sans le négationnisme), un conseiller PDC (trait pour trait notre UDF).
« Mais alors ce doit être une réelle cacophonie ??? Chacun va essayer de tirer la couverture pour lui seul ! » me direz-vous… Et bien non ! En fait, les conseillers fédéraux possèdent chacun un ministère (qu’on appelle département) : affaires étrangères – intérieur - justice et police - défense et sport – finances – économie – environnement, transports, communication et énergie (tout ça dans le même... ^^). Le fonctionnement est collégial, c'est-à-dire que chaque conseiller propose un projet de loi pour son département, ce projet est débattu au sein du Conseil Fédéral et il doit être adopté à la majorité. A partir du moment où le projet de loi est adopté, TOUS les conseillers doivent défendre d’une seule et même voix ce projet, quelques soient leurs idéaux ou leur avis personnel sur le sujet ! Ainsi, loin des querelles intestines françaises, la Suisse connaît une réelle unité gouvernementale !
Mais revenons sur la caractéristique la plus importante de ce conseil : sa diversité. Car c’est bien elle qui fait la force du Conseil Fédéral. En effet, cette pluralité des opinions politiques oblige :
- 1°) au débat
- 2°) à la mesure
- 3°) à des concession de la part de toutes les parties
C’est donc par ce processus de délibération concertée que naissent les projets de lois suisses. Mais le plus important est que, preuve est faite que ce système marche et même marche bien ! Donc pourquoi ne pas nous en inspirer ?
En effet, il est tout à fait envisageable, voire même souhaitable, de voir un jour, réunit autour d’une même table trois conseillers PS, trois conseillers UMP et un conseiller UDF. Maintenant voyons quels avantages la France tirerait-elle d’un changement si radical dans sa manière d’aborder le pouvoir ?
Premièrement, cela permettrait enfin de voir une réelle collaboration entre les partis afin de servir les seuls intérêts des français dans leur globalité et non seulement ceux des hommes de pouvoirs et le noyau dur de leur électorat. Deuxièmement, face aux problèmes de taille qui sont ceux de la France d’aujourd’hui (chômage, mécontentement général, crise de l’éducation, crise de l’intégration, crise d’identité, etc…) les hommes politiques en place seraient obligés de trouver des solutions constructives afin d’éviter une paralysie qui ne ferait qu’empirer la crise. Ainsi, on en finirait avec cet entêtement obtus propre aux partis français qui fait que chacun campe sur ses positions empêchant le débat démocratique d’avancer. Troisièmement, cela redonnerait à l’UDF le rôle de médiateur qui devrait être le sien. En effet, par son vote il pencherait tantôt à gauche ou tantôt à droite permettant d’équilibrer les décisions prises, de manière à éviter de voir des projets tels le CPE ou les 35 heures qui tenaient plus de l’aberration que de la solution à un problème aussi complexe que le chômage.
Pour conclure, je dirais que le système suisse me charme par son côté consensuel où le dialogue constructif prime sur l’échange de noms de volatiles comme nous avons en France. De plus, le gouvernement se doit d’être unitaire, chose qui est bien souvent oublié en France (surtout ces derniers temps…). A cela s’ajoute la représentativité accrue que permet un tel système, oubliant les querelles de pouvoir droite/gauche… Plus d’alternances, plus de clivages exacerbés, plus de cohabitations stériles mais une seule cohésion représentant la pluralité idéologique française, dans le but d’élaborer ensemble un projet solide sur lequel ils seront tous jugés. Ainsi, plus moyen de se déresponsabiliser d’un échec en disant « c’est de leur faute à eux ! Si vous m’élisez, les choses se passeront autrement… ». Efficacité, représentativité, dialogue, implication, démocratie sont les maîtres mots d’un tel système… Que demander de plus ?
Finalement, le seul point noir de ce système est également sont plus bel atout : il est obligatoire de mettre son orgueil au placard sous peine de gripper un système des plus démocratiques, et ça, je ne suis pas sûr que les politiciens français actuels y soient près…